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Tribune contre l'infiltration de l'idéologie "positive" dans la politique d'accueil de la petite enfance

Plus de 650 signataires !

Petite Enfance & Éducation

Reflexion, action, formation

Logo petite enfance et éducation, formation, Caroline Goldman, time out

On en parle dans la presse 

TRIBUNE

Contre l'infiltration de l’idéologie « positive » dans la politique d’accueil de la petite enfance.

 

 

Un « Référentiel national de la qualité d’accueil du jeune enfant » vient d’être édité (Juillet 2025) par le Service public de la petite enfance (dépendant du Ministère du travail, de la santé, des solidarités et des familles). Cet outil préconise, de façon officielle, les principes réglementaires applicables aux structures d’accueil de la petite enfance en France.

 

Que dit ce guide ? 

 

Sous la plume de ses rédacteurs – dont certains sont adeptes d’une psychologie positive dévoyée comme leurs publications en témoignent - tous les enfants sont subitement devenus des enfants polytraumatisés appelant réparation, toute obéissance est devenue signe de soumission et toute sanction parentale est devenue maltraitance. Ces mêmes auteurs n’ont pas hésité à manipuler des données neuroscientifiques pour appuyer leur alarmisme, en confondant par exemple souris et enfants ; maltraitances injustes et sanctions justifiées ; ou simple frustration et trauma lourd (« immobilisme, fuite, figement »). Ils n’ont pas non plus hésité à réinterpréter les lois : si la « convention des droits de l’enfant » de 2019 (citée dans ce référentiel) a mentionné parmi les maltraitances « l’isolement » de l’enfant, suggérant le fait de l’exclure de façon radicale sur le plan socio-relationnel (par exemple en lui interdisant toute activité extérieure ou en l’enfermant dans une cave pendant des journées entières), ces auteurs ont semé la confusion en assimilant cette maltraitance à la « mise à l’écart temporaire hors de l’espace commun », y compris, dans le cas de transgressions ponctuelles et dans un contexte plus général de bons soins parentaux (technique du « time-out », validée scientifiquement et préconisée dans toutes les politiques de santé publique occidentales). Il a été démontré à un très haut niveau de preuves que le « Time-out » permettait de réduire les violences intrafamiliales y compris dans des situations pathogènes.

 

On reconnait aisément le courant idéologique « positif » quand on lit que l’agressivité des enfants n’existerait pas (« un conflit n’est pas de l’agressivité comme on pourrait l’observer chez l’adulte »). L’agressivité y est donc régulièrement renommée « émotion » et les poussées pulsionnelles « tempêtes émotionnelles ».

 

Ce guide suggère que tout enfant transgressif ou agressif devrait systématiquement être considéré comme incapable d’être éduqué par des interactions contenantes avec l’adulte : « Les professionnels ne posent pas comme objectif la discipline ou la « maîtrise » des enfants, ou d’établir le calme : ces objectifs ne répondent ni aux besoins ni aux capacités d’un enfant de moins de 3 ans. ».

 

Les auxiliaires n’auront par conséquent plus le droit de réagir à cette agressivité « de façon négative » et auront encore moins le droit de le sanctionner en le mettant à l’écart du groupe : « Lorsque l’enfant exprime des émotions désagréables fortes, les professionnels ne lui disent pas de se calmer, ne minimisent pas ses émotions (« ce n’est pas grave ») », « ils ne régulent pas les conflits entre enfants de manière punitive et ne formulent pas de reproche vis-à-vis de l’enfant qui initie le conflit », « les conflits ne sont pas gérés de manière stricte et punitive, cette attitude est proscrite par la loi » (sans précision ni de la nature ni de l’intensité du conflit ou de la punition). 

 

Au lieu de cela, elles devront encourager toute expression pulsionnelle chez chacun des enfants : « L’expression des émotions ne fait pas l’objet d’interdits : par exemple, la colère peut s’exprimer par des cris, des objets jetés… l’enfant doit pouvoir exprimer cette colère ». Ici, comme dans la littérature « positive », les émotions et les pulsions sont confondues. Or, si les émotions doivent être mises en mots, les pulsions (d’emprise ou agressives), elles, doivent être contenues par l’adulte. 

 

Si l’enfant continue néanmoins d’être agressif, y compris à deux ou trois ans, l’une des éducatrices devra l’emmener dans un lieu extérieur pour nouer un lien privilégié chaleureux en échangeant verbalement avec lui et en lui proposant ses bras.

L’agressivité infantile, pourtant inhérente à tout développement psycho-affectif sain n’aura donc plus le droit d’être perçue comme une simple recherche de limites éducatives. Au contraire, la transgression donnera lieu à des privilèges.

 

Les auteurs écrivent par ailleurs que « Les professionnels ne cherchent pas à interrompre les pleurs de l’enfant avec une tétine ou un doudou. Ces objets ne sont pas utilisés pour réprimer l’expression d’une émotion ou la réguler, cette régulation étant d’abord assurée par l’adulte. », « Quand l’enfant s’exprime verbalement ou exprime une émotion, les professionnels proposent à l’enfant de s’en séparer », « L’adulte n’utilise pas la tétine comme un frein à l’expression d’une émotion pour l’enfant. ». 

Nier l’agressivité pulsionnelle de l’enfant et sa quête normale de limites éducatives ; considérer que tous les enfants sont dépressifs et polytraumatisés ; encourager l’expression de toute frustration sans cadre ; et assimiler toute mise à l’écart à une violence éducative, relève d’une posture insensée et dangereuse, c’est une violence éducative - tant pour la santé des enfants que pour celle des professionnels, des institutions et des parents.

 

Nous psychologues pour enfants, pédopsychiatres et professionnels de la petite enfance connaissons les conséquences délétères sur l’enfant et sa famille de l’application de ces préceptes de « maternage précoce » maintenu à tort au fil du développement: 

 

•⁠  ⁠Des enfants encouragés à déborder sur le plan pulsionnel car transgresser ne donne lieu à aucune frustration immédiate, voire à la gratification d’un lien privilégié avec l’adulte (time-out tendre en sa présence).

•⁠  ⁠Un défaut de compréhension du monde et de ses règles relationnelles (confusion entre le bien et le mal, puisque tout est accueilli avec tendresse).

•⁠  ⁠Frustration, épuisement et découragement des auxiliaires, qui ne voient aucune accalmie comportementale liée à leurs efforts (accueillir avec patience l’agressivité des enfants sans jamais parvenir à la contenir, pour finalement la voir enfler) au fil de l’année.

•⁠  ⁠Des enfants sans défense mordus, poussés, malmenés, angoissés de se rendre sur leur lieu d’accueil et n’ayant plus confiance dans les fonctions protectrices des adultes.

•⁠  ⁠Le maintien d’une agitation qui infiltrera possiblement leurs capacités d’adaptation scolaire, leurs fonctions attentionnelles, leur motricité, leurs investissements relationnels, et donnera lieu à des diagnostics de « troubles » créés de toutes pièces.

 

Nous préconisons :

1) De distinguer le bébé du jeune enfant (avant et après l’acquisition de la marche, soit autour de 12 mois) car leurs besoins relationnels et structurels évoluent.

2) Que les lieux d’accueil continuent d’assumer et faire fonctionner leur espace traditionnellement dédié à la mise à l’écart ponctuelle des enfants de plus de 12-18 mois en bonne santé psychique se contentant d’appeler ces limites éducatives (généralement dans le coin des bébés, évidemment en leur absence, sous le regard des auxiliaires mais derrière une petite barrière de sécurité), lorsque plusieurs mises en mots et en garde n’ont pas suffi (c’est-à-dire très souvent)… 

3) Que la tétine, qui constitue un outil d’auto-étayage efficace, ne soit jamais empêchée en cas d’état de tension. Car la socialisation se noue moins autour d’un détail technique qu’à partir du bien-être éprouvé dans l’espace social ; auquel la tétine contribue.

 

Il est non seulement choquant mais irresponsable au regard des connaissances scientifiques sur le développement de l’enfant que « l’éducation positive dévoyée » devienne la norme dans les crèches françaises.

 

Nous demandons la révision immédiate de ce qui, dans ce référentiel, relève de cette idéologie par un comité d’experts comprenant en son sein des professionnels ayant la pratique des conséquences de ces principes.

 

Premiers signataires

 

Caroline Goldman, psychologue clinicienne pour enfants et adolescents, docteur en psychopathologie clinique

Caroline Eliacheff, pédopsychiatre, psychanalyste, co-directrice de l’Observatoire des discours idéologiques sur l’enfant et l’adolescent 

Céline Masson, Professeure de psychopathologie clinique, psychanalyste, co-directrice de l’Observatoire des discours idéologiques sur l’enfant et l’adolescent 

Bernard Golse, pédopsychiatre, psychanalyste, professeur émérite de psychiatrie de l'enfant

Daniel Marcelli, pédopsychiatre, professeur émérite de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent

Élisabeth Badinter, philosophe

Catherine Dolto, médecin, praticienne en haptonomie

Jean-Pierre Lebrun, psychiatre, psychanalyste

Diane Drory, psychanalyste, psychologue

Maurice Berger, pédopsychiatre, professeur associé

Albert Bensman, professeur honoraire de pédiatrie

Israël Nisand, professeur émérite de médecine

Daniel Sibony, professeur d'université, psychanalyste

Béatrice Copper-Royer, psychologue clinicienne

Christian Flavigny, pédopsychiatre, psychanalyste

Patrick Belamich, psychiatre, psychanalyste

Jean-Daniel Lalau, professeur d'endocrinologie et diabétologie

Anne Brun, professeure émérite de psychopathologie clinique, psychanalyste

Sarah Vibert, maître de conférences en psychologie clinique

Béryl Koener, pédopsychiatre, MD, PhD…

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